DOSSIER SPÉCIAL FONDS DE GRÈVE – Article du journal La Revue de Mars 2024
LA GRÈVE COMME MOYEN ULTIME La grève et le lock-out représentent les ultimes recours lors des négociations entourant une convention collective. La grève vise à priver l’employeur des revenus et des bénéfices générés par le travail des employés, tandis que le lock-out prive les travailleurs de leur emploi et de leurs salaires. Heureusement, ces moyens de pression ne sont utilisés que dans environ 4% de l’ensemble des négociations de conventions collectives au Québec1. Ainsi, on peut conclure que les arrêts de travail demeurent l’exception plutôt que la règle, et dans une large mesure, les parties préfèrent parvenir à un consensus. Cependant, il arrive que certaines situations contraignent les employés à recourir à ces mesures drastiques. Par exemple, lorsque l’employeur persiste à proposer des augmentations salariales qui représentent à peine 50% du taux d’inflation prévu, les travailleurs peuvent se sentir contraints d’exercer leur droit de grève. C’est précisément ce qui a conduit les membres du front commun à arrêter le travail pendant 11 jours à l’automne 2023. LE FONDS DE GRÈVE COMME COUSSIN FINANCIER Il est recommandé que chaque individu ou famille constitue un fonds de prévoyance capable de couvrir ses besoins ainsi que ceux de sa famille pendant une période minimale de 2 à 3 mois. Malheureusement, nombreuses sont les personnes qui éprouvent des difficultés à constituer ou à maintenir ce coussin financier. Une alternative collective consiste à opter pour la création d’un fonds de grève, offrant ainsi une solution à cette problématique. Le fonds de grève, établi de manière collaborative, fournit un moyen de contourner les défis liés à l’accumulation individuelle de ressources financières. L’indemnité de grève qui en découle représente un revenu minimum garanti. Cette disposition permet de ne pas entraver la possibilité de s’engager dans la lutte pour l’amélioration des conditions de travail lorsque cela devient nécessaire. En choisissant cette approche collective, les individus se donnent les moyens de préserver leur capacité à revendiquer leurs droits en réduisant les conséquences financières immédiates. UN EXCELLENT LEVIER DE NÉGOCIATION Lors de notre récente grève en front commun, les questions relatives aux fonds de grève ont suscité un vif intérêt dans l’espace médiatique. Des interrogations ont émergé quant à la raison pour laquelle certains syndicats ne disposent pas de tels fonds2, et pourquoi d’autres établissent des critères d’accès particulièrement stricts3. Ces préoccupations n’ont pas été soulevées au sein du Syndicat Canadien de la Fonction Publique. Avec une caisse de grève excédant les 130 millions de dollars et des mécanismes permettant une recharge rapide en cas de besoin, le fonds de grève du Syndicat Canadien de la Fonction Publique se positionne parmi les plus efficaces et enviables au Canada et en Amérique du Nord. Lors des négociations de conventions collectives, le fonds de grève assume initialement un rôle dissuasif face à l’employeur. Le simple fait de savoir que les travailleurs ne seront pas complètement privés de revenus durant une grève ou un lock-out suffit souvent à persuader un employeur d’améliorer ses offres. Ce levier de négociation vise également à contrer la menace de l’employeur consistant à priver les travailleurs de leur source de revenus. Le fonds atteint son plein potentiel en cours de grève ou de lock-out, soutenant financièrement les travailleurs privés de leurs salaires pendant le conflit de travail. À l’heure actuelle, l’indemnité de base par semaine de grève s’élève à 300 $, pouvant atteindre 400 $ après 12 semaines. De plus, la caisse peut couvrir les assurances collectives et même la part de l’employeur en cas d’interruption de paiement de sa part4. LE FONCTIONNEMENT DE LA CAISSE NATIONALE DE GRÈVE DU SCFP. Notre fonds de grève est ancré dans nos statuts et règlements depuis 2001, devenant ainsi une composante essentielle de notre identité syndicale. Au fil des ans, il a évolué, ce qui a conduit à l’adoption de plusieurs modifications visant à améliorer son efficacité et sa viabilité. Ces changements ont été intégrés grâce à des amendements adoptés lors de nos instances au sein du Syndicat Canadien de la fonction publique (voir l’encadré pour les détails). L’une des modifications majeures a été d’accorder le droit aux allocations de grève dès le premier jour d’arrêt de travail. En effet, avant 2017, l’indemnité n’était versée qu’après trois jours de conflit. Cette évolution reflète l’engagement constant du SCFP à ajuster et à optimiser notre fonds de grève pour mieux répondre aux besoins des travailleurs, renforçant ainsi notre capacité à soutenir ses membres dès le début d’un conflit de travail. Depuis 2001, la cotisation individuelle à notre caisse de grève correspond à un pourcentage, actuellement fixé à 5%, des capitations versées au SCFP, lesquelles représentent 0,85% du salaire5. Pour illustrer, si votre salaire est de 1000$/semaine, la portion de votre cotisation versée au SCFP sera de 8,50$. De ce montant, 42,5 cents (5%) ira à la caisse nationale de grève. Nos statuts ont intégré un mécanisme additionnel : en cas de diminution de la caisse sous les 50 millions de dollars, le SCFP est tenu d’augmenter la cotisation à 6% des capitations, et ce, jusqu’à ce que la caisse atteigne 80 millions de dollars6. Pendant cette période, le SCFP peut également transférer 4% des capitations destinées à la caisse nationale de défense vers la caisse nationale de grève7. Si ces mesures ne suffisent pas, un second déclencheur autorise le SCFP à augmenter la capitation de 0,04% (de 0,85% à 0,89%) si la caisse de grève passe sous les 15 millions de dollars, et ce, jusqu’à ce qu’elle atteigne 25 millions de dollars8. Ces ajustements permettre de maintenir une caisse de grève robuste et fonctionnelle pour soutenir nos membres dans les moments cruciaux. IL EST TEMPS DE PASSER À LA CAISSE Les exemples suivants démontrent de manière pragmatique comment le fonds de grève agit comme un levier financier, générant des bénéfices significatifs pour les travailleurs. Prenez note que ces exemples ne tiennent pas compte les bonifications et autres allocations de grève qui peuvent être versées par les sections locales. Voici les cas de Chantal et Mariette lors de la dernière grève en front